L’écrin

Sans doute une photo prise au début du printemps. On devine les prémices d’un ensoleillement timide aux vues des zones vert clair imposées par l’ombre de la végétation alentour. En haut à gauche un arbre, un aucuba très feuillu commence à envahir un parterre occupé par un petit sapin malingre et mal taillé mais bien enraciné côtoyant un angelot potelé en pierre grise. Celui-ci est assis maladroitement entre deux gros poissons mythologiques aux gueules ouvertes et aux sourcils froncés. L’angelot méfiant tourne la tête vers la droite semblant guetter un danger et se préparer à fuir. Derrière la statue un long tronc d’arbre dépassant largement du cadre de la photo laisse deviner ses quelques mètres de haut. Plus au fond à droite, sur un mur blanc quatre triangles dessinant un rectangle aux contours peints en vert foncé délimitent l’arrière plan d’un bac à sable abrité. Ce bac à sable en bois blanc je le connais bien. Au centre de la photo, et d’ailleurs du jardin, il y a une chaise en bois paillée, et sur cette petite chaise est assise une petite fille tenant sur ses genoux une petite poupée échevelée. J’avais 5 ou 6 ans et adorais les sacs à main et plus particulièrement ce sac en cuir rouge demi-lune avec ses deux fines anses cylindriques et sa fermeture argentée, c’était comme un vrai sac de dame. Je tiens fermement ma poupée assise sur mes genoux me tournant le dos regardant ses pieds nus. Je regarde l’objectif et souris. Je ne me souviens plus qui a pris cette photo, certainement une grande personne car je regarde précisément vers le haut. Je ne semble pas surprise d’être observée ainsi dans mon rôle de maman, bien droite, les genoux collés, les chaussettes couvrant les mollets, vêtue d’une robe sans manche au tissus écossais et d’une chemisier blanc assorti aux chaussettes. Me voici au centre de l’objectif, au centre de mon univers, au centre de cet écrin de verdure familial préservant l’innocence jusqu’à l’âge de raison.