Marianne PETER, créatrice de papiers marbrés

Marianne PETER est une alchimiste. Elle transforme la surface de l’eau en une création flamboyante, colorée de gouttes d’encre, se muant sous son geste précis d’artisan d’art en volutes, arabesques, entrelacs et mille autres motifs. Création prenant toute sa dimension en se fixant comme une empreinte sur une feuille de papier vierge pour de longues années. Exauçant ainsi le vœu des relieurs, collectionneurs de livres anciens et autres amoureux de papiers marbrés.

Comment avez vous découvert ce métier il y a 30 ans ?

C’est au cours de mes études en communication visuelle à l’École Supérieure des Arts de Saint Luc à Tournai en Belgique que j’ai découvert ce métier. J’étais à l’affût de toutes sortes de procédés d’impression graphique et la marbrure s’est révélée être à la hauteur de ma soif de découverte non conventionnelle. Les premiers papiers marbrés que j’ai vu étaient réalisés de façon mécanique, vendus en librairie (Au Furet du Nord pour ne pas le nommer) et je les utilisais en collage comme appui à d’autres techniques picturales. Curieuse de nature, j’ai cherché à en savoir plus et j’ai commencé à collecter des informations dans les bibliothèques et en me rapprochant du syndicat de la reliure-brochure-dorure à Paris. Ce fut une réelle surprise de découvrir que ces papiers dits « marbrés » étaient fabriqués par des gens de métier. Par conséquent le sujet de mon mémoire de fin d’étude fut évident, il serait « Le papier marbré de son origine à notre époque». C’était également un excellent prétexte pour découvrir un univers complètement méconnu et envisager une possible reconversion, car en effet je ne me sentais pas du tout l’âme d’une publicitaire.

Quelle formation avez vous suivie après cette prise de conscience ?

Malgré tout j’ai passé mon diplôme en communication visuelle mais j’ai poursuivi mes recherches avec assiduité en me documentant puis j’ai commencé à expérimenter ce métier avec audace. L’apprentissage fut autodidacte. Après deux ans de tests et d’applications, j’ai rencontré des relieurs, principaux utilisateurs de ces papiers et ils m’ont accueillie avec enthousiasme en m’encourageant dans mon travail d’investigation et en me révélant leurs désirs et leurs attentes.

Quelles sont les qualités nécessaires pour ce métier ?

La patience, qualité nécessaire dans de nombreux domaines artistiques est indispensable dans la marbrure pour résoudre des problèmes d’ordre chimique et technique. Cela m’a aidé, n’ayant pas suivi précisément de formation. La curiosité, un esprit « tordu » laissant libre cours aux essais techniques de tout poil, aussi aberrants puissent-ils paraître sont autant d’atouts à posséder pour créer. C’est encore le cas aujourd’hui où je concentre mes recherches sur l’utilisation de la marbrure à des fins décoratives sur la céramique. (C’est un bel exemple de détournement de couleurs possibles sur un support solide telles que les oxydes pour la céramique à adapter sur un support liquide. On ne trouve pas d’exemples probants aujourd’hui. L’idée d’un brevet fait son chemin). Et puis une culture artistique intégrant composition, couleurs, formes me parait évidente.

Vous êtes peu de marbreurs sur papier en France, avez-vous votre méthode personnelle ?

Plus qu’une méthode, c’est l’approche de ce métier qui me détermine aujourd’hui. L’absence d’un « maître » qui aurait pu m’enseigner ce métier fait de moi une incorrigible bricoleuse ! Pas de principes établis, ni d’idée préconçue, tout est remis en question au cours d’un accouchement créatif et rien n’est idiot non plus. Donc les réflexions, les énervements, les erreurs sont, pour moi, les générateurs de la créativité.

 Quelles sont les demandes de vos clients ?

Les relieurs, les professionnels du livres anciens et amateurs me demandent de reproduire des papiers anciens quasi à l’identique et de leurs proposer de nouveaux motifs en innovant, en m’adaptant à des goûts plus contemporains également. Les papiers s’adaptent aux livres et peuvent aussi être utilisés pour des couvertures de blocs-note, habiller des crayons de bois, concevoir des marque-page…

A quel métier autre pourriez-vous comparer le vôtre ?

Par certains côtés, comme l’intérêt de préserver le patrimoine, je pourrais comparer ce métier à celui de restaurateur de tableau ou autre restaurateur-artisan. Être capable de reproduire ce qui a été réalisé il y a des décennies, voire au siècle dernier. Comme le restaurateur de tableau, je dois retrouver les mêmes teintes utilisées et travailler sur un support neutre. Mais à l’époque on utilisait des produits corrosifs qui à présent sont interdits. A nous de trouver des substituts neutres et respectueux qui prolongeront la préservation de l’objet.

 

Le papier marbré a été créé au 18è siècle. Vous utilisez les mêmes gestes, les mêmes outils pour le créer ou le restituer. Il évolue entre vos mains et vous réalisez également des créations contemporaines. Quelles sont vos inspirations, vos motivations ?

L’inspiration vient souvent du regard que l’on porte sur notre environnement. Il est source d’idées. Cela peut être la nature, la mode, le textile, la musique. Rien n’échappe à notre regard et peut être sujet à interprétation « marbresque ». De ce fait, la motivation est au rendez-vous puisqu’elle est relayée par l’inspiration elle même titillée par la curiosité. Outre les commandes de papiers classiques ou modernes, la technique de la marbrure peut aller au-delà des modèles habituels. Elle s’adapte à de nouveaux support comme le cuir, le tissu, le bois, le plastique et aussi la céramique (recherches actuelles).

Je m’échappe de plus en plus en développant un travail abstrait où la marbrure ne devient plus qu’un procédé pour traduire une expression. La marbrure s’expose comme une création à part entière. Les clients, les visiteurs l’ont bien compris et l’apprécient aussi comme telle.

Marianne PETER  Papiers marbrés – Peyrelevade 19460 NAVES mariannepeter@voila.fr