On m’a confié un mot

On m’a confié un mot. Juste un. Ecrit sur un papier puis plié en quatre et posé sur la table. Au premier abord, je n’avais pas confiance. Peur qu’en le saisissant le papier ne s’enflamme et me brûle les doigts. Je l’ai appréhendé silencieusement pendant de longues minutes puis je l’ai regardé, touché, soulevé. Pourtant ma curiosité est souvent indomptable. J’ai respiré doucement, cligné des yeux, posé mes mains bien à plat sur la table et j’ai attendu. Attendu que la patience m’inonde de ses bienfaits. Calme et rêverie apaisèrent ma fébrilité, délicieux instants. Autrefois cela m’aurait paru intolérable, inaccessible et dénué de tout sens. Pourquoi attendre, dans quel but, quelle motivation ? C’est bien cela, quelle motivation me détournerait de cette envie folle de me jeter sur ce petit bout de papier insipide, corné, plié sans rigueur, incolore. Mais voilà, il me tenait tête, me ridiculisait, me narguait, une lutte sans merci impatience contre volonté. Puis les minutes se succédèrent, mes doigts tapotèrent la table pour se libérer de picotements envahissants et l’envie anesthésiée se réveilla doucement. Libérée de cette hypnotique maitrise, je saisis le papier, l’ouvris… le mot avait disparu.